N’est-t-on pas mieux servi que part soi-même ? J’en suis persuadé. Cependant oublier ceux qui vont participé à la réussite du livre, indispensable à tous les amoureux de la course à pied, serait une omission impardonnable de la part d’hommes de partage comme nous pouvons...
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jeudi 21 novembre 2024

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Un premier Marathon .....

 

 

 

 

 

"Marathonien un jour ….. Marathonien toujours ….."

 

 

Le marathon du Mont st Michel 

 

La passion de la course à pied est en moi depuis l’enfance, j’ai toujours pratiqué ce sport sous toutes ses formes et courir est un moyen de me surpasser. Lors de mes rencontres j’étais assez fier de dire que j’étais capable de courir 14 kilomètres malgré mes 115 kilos. Cela étonnait : "Toi tu cours ?" ….. 


 

 

A l’approche de la quarantaine, j’ai besoin d’un challenge, d’un défi, pour relancer une mécanique, bien rouillée, après trois ans d’arrêt suite à une discopathie dégénératrice. J’intègre un club, sans prétention, juste une bande de copains qui aiment courir. Vous imaginez aisément que la reprise ne fut pas simple et dès que la forme revient un petit peu, (pour les formes on verra plus tard) je participe à des courses locales. Mon faible niveau ne me rend pas très fier, mais je reste positif en cherchant un défi à réaliser.

 

 Au club, quelques-uns parlent du Marathon du Mont-Saint-Michel. Distance qui me paraît une distance du bout du monde : 42,195 kilomètres, je n’y arriverai jamais. Ma distance record est le semi-marathon d’Orvault où je termine dans les quatre derniers. Un désastre à mes yeux.

 

Mes 40 ans sont là, mes soucis de santé ne me lâchent pas, mais le défi que je cherche ne serait-il pas celui-là ? Le Marathon du Mont Saint-Michel.

Je décide de m’inscrire, nous sommes en décembre, il me reste cinq mois pour me préparer. Je m’entraîne comme un fou, je participe à des réunions de passionnés qui partagent leurs expériences et leurs conseils. La course à pied n’est pas un sport individuel, il existe ce plaisir de courir, respirer, souffrir ensemble.


 

 

Les jours passent et l’échéance approche. Le mois de mai arrive vite, le Marathon est fixé au dimanche 31, jour de la fête des mères, comme un symbole après une relation difficile avec elle et sans l’avoir revue depuis quinze ans. A moi de prouver, aujourd’hui, que je suis capable de combattre et de surmonter tous les moments compliqués de ma vie.

 

Le mental compte autant que le corps. Je me suis beaucoup investi dans la préparation de ce Marathon, ma famille aussi. J’ai une femme extraordinaire et cinq enfants ex-extraordinaires qui m’ont soutenu pendant toutes ces semaines. L’ainé m’accompagnant, parfois, dans les sorties dominicales. 


 

 

Avec le groupe, la veille de la course, nous partageons nos expériences autour d’un plat de pâtes. J’échange avec un copain pompier, qui participe lui aussi à son premier Marathon. Notre stress est bien présent. Il me fait part de sa stratégie : prendre les kilomètres les uns après les autres sans se poser de questions. En l’écoutant ma peur est bien présente. Pendant toute la préparation je n’ai perdu que trois kilos et, dans le regard de beaucoup de personnes je vois mon échec. Néanmoins, je suis là, loin de ma famille, seul face à mon défi.


 

 

La nuit fut courte. Les messages de soutien sur mon portable s’additionnent. Avec les amis nous garons la voiture à deux kilomètres du départ. Le temps est gris, une pluie fine finit de nous réveiller. Peu importe, je me suis entraîné au "chaud" et au "froid" et rien ne peut m’arrêter. Nous nous rendons d’une marche rapide au départ cernés de  nombreux coureurs. C’est mon premier Marathon, mais c’est aussi la première fois où je participe à une course où il y autant de participants. La chaleur humaine remplace la météo maussade.

 

Le départ est proche, nous sommes plus de six mille, ce n’est pas le moment de craquer, je dois rester fort, concentré, seul face à moi-même. Le départ est donné, la peur me tenaille l’estomac, je marche vers la ligne, les bips se succèdent et ce sont les premières foulées de mon premier Marathon. C’est dingue !

Par prudence je me suis positionné parmi les derniers, devant moi une marée de coureurs forme une immense vague entre une digue faite de spectateurs.


 

 

J’ai à peine parcouru quelques hectomètres que je cherche, déjà, du regard le Mont Saint-Michel, visible presque tout au long des 42,195 kilomètres. Ce ne sera pas le cas aujourd’hui, la météo capricieuse ne le permet pas. Je distingue une masse dans la bruine, c’est tout.

Je cours dans le flot des coureurs en regardant à droite, à gauche, devant, et j’aperçois le panneau du premier kilomètre. Plusieurs futurs Marathoniens le touche. Je pense à la discussion d’hier soir : "Prendre les kilomètre les uns après les autres". Moi aussi je vais prendre les kilomètres les uns après les autres, moi aussi je touche le panneau du "number one", frissonnant de plaisir, les écouteurs sur les oreilles, la musique rythmant mes foulées me transportant ….. ailleurs.

 

Ma main effleure chaque panneau de chaque kilomètre. Le 10ème approche, le chronomètre affiché, est loin d’être celui d’un champion, plus d’une heure. Aucune importance, mon objectif est de toucher tous les panneaux les uns après les autres.

Sur le bord de la route, les encouragements sont nombreux, les orchestres bruyants et les ravitaillements des autochtones abondants. Panneau après panneau, je m’approche du 21ème kilomètre. J’ai faim. Le ravitaillement tombe à pic pour me restaurer quelques minutes et d’être encouragé par les bénévoles qui me donnent le sentiment d’être unique.


 

 

22ème panneau. Officiellement, c’est la distance la plus longue que mes jambes ont porté mon corps. Je n’ai jamais couru aussi longtemps. A partir de maintenant, chaque panneau franchit sera du bonus.

 

A l’approche des polders, et du 30ème kilomètre la météo ne s’améliore pas, le Mont Saint-Michel est perdu dans la brume. La course aux panneaux continue en étant attentif aux barrières horaires. "Je ferme dans deux minutes" l’injonction d’un commissaire me fait accélérer ….. Ouf ! Je suis passé ….. Il est hors de question que je m’arrête où que l’on m’arrête maintenant.

 

La musique qui m’accompagnait depuis le départ s’interrompt, plus de batterie à un moment difficile : moins de spectateurs, moins de coureurs et les cuisses qui deviennent dure comme du caillou au moment où je touche le panneau du 33ème kilomètre.

 

34ème kilomètre, la douleur devient insupportable. Je décide de marcher, ce qui me soulage et me permet de doubler des concurrents encore plus mal que moi. Une moto d’assistance passe à vive allure, un attroupement c’est formé autour d’un "corps" inanimé. Les médecins le prennent en charge, cela aurait pu être moi. Je reprends ma marche rapide, cela n’est pas le moment de faire l’imbécile ma famille et mes amis tiennent à moi.


 

 

La traversée des polders se termine. Je reprends ma course, la voiture balai est encore loin derrière moi, mais quand même. Le Mont Saint-Michel se montre enfin à moi, il paraît plus grand que dans mes souvenirs et il me reste encore trois kilomètres. Mes pieds sont douloureux, peu importe je dois atteindre le prochain panneau.

La foule est revenue, je croise des coureurs la médaille autour du cou qui m’encouragent. Mes 113 kilos sont douloureux, mais pas mon mental. Ma femme m’envoie un message sur ma montre connectée : "Va y ! C’est bientôt fini, je suis fière de toi". Des frissons me parcourent le corps.

 


41ème panneau. Je suis encouragé par mon prénom : "Allez Romuald" ….. Mais comment le connaissent-ils ? J’ai complètement oublié qu’il est inscrit sur mon dossard. L’arrivée est proche, le tapis rouge est a porté de mes runnings, c’est bientôt terminé. C’est dingue ! Je suis à quelques hectomètres de mon objectif, je dépasse d’autres coureurs, mes douleurs ont disparu, je cours de plus en plus vite, les yeux pleins de larmes en pensant à toutes les personnes qui m’ont soutenu.

L’arche est là, avec son énorme chronomètre rouge et les photographes, je lève les bras le plus haut possible en signe de gloire. Pour l’anecdote, sur la photo d’arrivée, je verrais que mes bras son tendu vers le sol et non vers le ciel.


 

 

Un bénévole me passe la médaille autour du cou, je suis fière de moi, les larmes me coulent le long des joues, il me donne l’accolade en m’indiquant le chemin des tentes où attendent les kinés. Je réussis à rallumer mon téléphone, mes proches qui me suivaient, grâce à une application, ne savent pas que j’ai terminé mon Marathon.

Je partage ma joie et mes larmes avec le groupe. Je n’en reviens pas : 40 ans, 113kg et 42,195 kilomètres en 5h 18’ de course. C’est fou ! Et en plus, je me sens bien. Je suis Marathonien, je suis Finisher.

 

Cette course, je la dédie à ma vie. Chaque kilomètre symbolise une année de mon existence, avec ses bons et mauvais moments. Courir pour le plaisir, j’ai toujours su le faire. Cependant courir pour me dépasser, aller au bout de mes limites, c’est la première fois. Alors je pense à tous ceux qui m’entourent, à mes enfants, à ma petite fille maintenant au ciel, à ma femme soutien indispensable, à ma famille, à mes amis, à tous ceux qui ont croisé un jour ma route. Merci à tous de m’avoir aidé à me surpasser.

 

Depuis :

Cette aventure m’a tellement donné de plaisir que je continue à courir et j’ai transmis ma passion à mon entourage, ma femme et mes enfants. Aujourd’hui, j’ai couru quatre Marathons : les deux derniers, Paris en 5h 19’ et vingt et un jours plus tard le Marathon de Nantes en 4h 40’ (Est-ce bien sérieux ?). Mon poids aujourd’hui ? 96 kilos. 


Romuald …..