Mon 1er Marathon des Sables
(7 au 17 avril 2017)
Le Marathon des Sables, c’est une aventure hors du temps et hors norme, dans le désert marocain, 250 kilomètres en autonomie totale, c’est la course dont je rêve depuis des années, le défi que je me suis lancé et cette année, j’y vais, je vais tenter de vaincre le désert…
Le jour J est arrivé. Midi, 6 avril sur le quai de la gare à Vannes, entourée de mes amis et de ma famille, ceux qui m’ont supportée (dans tous les sens du terme), aidée, encouragée dans ce fabuleux projet. L’émotion me gagne au moment du départ, je leur dis au revoir en espérant être à la hauteur de leurs espoirs. Cela fait plusieurs semaines que je passe mes nuits à courir dans le désert, que les doutes ont envahi mon esprit et plus les jours avancent, plus la course me paraît de plus en plus grande, peut-être même trop grande pour moi…
Le voyage jusqu’à Paris me laisse le temps de refaire le chemin parcouru depuis 3 ans, depuis cette inscription ratée pour l’édition 2015 et l’immense déception qui a suivie. Mais cela m’a permis de réaliser d’autres courses : les 24h de Ploeren, le raid du golfe et ses 177 km, quelques trails, ce qui m’a permis d’acquérir de l’expérience et de me forger un gros mental utile aujourd’hui.
Soirée détente à Paris avec ma fille, mais l’aventure est dans nos têtes et nous savons que je pars réaliser bien plus qu’une course… mes enfants sont mes soutiens de toujours et même s’ils sont quelques peu inquiets ils n’auront de cesse de m’encourager.
5h 30, réveil. J’ai l’impression de ne pas avoir dormi, un café avalé et un gros câlin à ma fille et le taxi me dépose à 6H30 à Roissy. A l’entrée du Terminal 3, je ne vois que des sacs MDS sur les épaules. Quatre avions ont été affrétés spécialement, c’est le début de l’aventure.
Je pars toute seule et je me dois de rallier un groupe afin de former une tente, c’est une question qui me préoccupe depuis quelques temps, comment reconnaître les bonnes personnes ?
Les formalités d’enregistrement faites, je prends un café et m’installe tranquillement, sur mon sac le fanion de mon club l’Ultra-Marin avec le drapeau breton bien visible. Une jeune femme s’approche de moi, elle me demande si je fais partie de l’ultra-marin, elle a courue le 177. C’est une finistérienne, qui vit dans le sud-ouest, elle me propose de rejoindre leur groupe car il reste une place dans leur tente !
Mon Dieu ma bonne étoile est avec moi, j’accepte tout de suite. Ils sont tous du sud-ouest, un couple (Evelyne et Jean-Phi), trois copains (Cyril, Patrice et Joël), Marie qui est venue me parler et un ami à elle (Thierry). L’ambiance est très détendue, je me sens tout de suite bien avec eux ! Le problème de la tente est résolu et ce sera mon premier moment de bonheur dans cette aventure.
Nous embarquons dans l’avion, Thierry se met à côté de moi, c’est son 2ème MDS et nous discuterons de nos chemins respectifs pendant les trois heures de vol. Arrivée OUARZAZATE. Il fait 29 degrés. Patrick Bauer nous accueille avant que l’on monte dans les bus ; je l’ai tellement vu en photo que le voir en vrai est un grand moment d’émotion, on se prend en photo, en espérant le voir me remettre ma médaille dans une semaine…
Nous montons dans les bus pour cinq heures de trajet. La route est sinueuse, à flanc de colline, je m’imprègne du paysage, de ces villages perdus au milieu de nulle part.
Arrivée, enfin. La distribution du road-book ….. suspens ..... et la découverte, redoutable de la grande étape : 86,2km !!! Avant nous aurons fait : 30,3-39-31,6km et nous finirons par l’étape marathon 42,2km. L’étape solidarité de 7,7km, la dernière, est la cerise sur le gâteau.
Je suis satisfaite que la 1ère étape soit de 30km, pour une mise en jambes je trouve la distance correcte. Les conversations vont bon train… Tout le monde redoute la grande épreuve. 86 km cela commence à compter !!! mais pas la peine de se mettre la pression, chaque chose en son temps.
Nous réglons nos montres à l’heure du soleil pendant toute la course, (2h de moins qu’en France et 1h de moins que l’heure du Maroc).
Le bivouac : les tentes berbères noires sont installées en arc de cercle et j’éprouve une sensation étrange... J’ai tellement vu des photos de ce bivouac, et aujourd’hui c’est à mon tour de chercher ma tente, j’ai l’impression que c’est irréel...
Nous avons la tente 84, j’avoue que je ne la voyais pas si petite. On se plie en 4 pour y entrer... Nous serons tous alignés les uns au côté des autres, nous avons juste l’espace de notre sac de couchage.
Nous nous installons rapidement, puis direction le buffet car jusqu’à demain soir nous mangeons normalement. L’ambiance est agréable, nous dions à la belle étoile et chacun est curieux de savoir ce qui nous a poussé à tenter cette aventure… La nuit est douce, je lève la tête, le ciel est noir rempli d‘étoiles, je suis en plein désert avec des gens que je ne connaissais pas il y a 24h, mon aventure humaine a commencé.
Après une nuit relativement correcte, réveil sous le soleil et la chaleur. Aujourd’hui c’est la journée des formalités et les longues files commencent... j’ai fait le tri dans mes affaires, le moindre gramme compte.
Le choix est difficile. Adieu le portable (et dieu sait que pour moi c’est une déchirure !!). Plus de communications avec l‘extérieur, nous sommes désormais seuls entre nous.
Mon sac est pesé à 8,7kilos sans l’eau et sans ma balise ni carnet de route... je me dis que je vais partir chargée à 10,5kg (pratiquement 22% de mon poids… ça va piquer un peu !). Je récupère mon dossard, le 236, et là j’avoue avoir éprouvé un sentiment de fierté quand je l’accroche sur mon sac, il est superbe !
L’après-midi sera consacrée au repos, au strapping des épaules et du dos, et à la préparation du sac pour demain : je transfère ma nourriture de J1 dans la poche de devant, 1er geste qui a son importance et qui sera répété tous les soirs.
17h, le discours de Patrick Bauer.
Fidèle à son image débout sur le toit d’un 4X4, l’ambiance est à la fête, 52 nationalités se côtoient, musique et danse, les sourires sont sur tous les visages, et enfin il nous délivre son discours :
"Vous êtes déjà des héros d’être là" … "Vous avez une chance incroyable de vivre cette formidable aventure", "Regardez les paysages, profitez de chaque moment, gérez votre course", et il nous attend tous vendredi pour nous remettre la médaille de finisher…que des mots d’encouragement, c’est un discours ultra-positif !
Ces mots qui résonnent dans le désert m’apaisent totalement, je me sens plus calme et déterminée que jamais, vivre l’instant présent, carpe diem a toujours été ma devise dans la vie et je suis prête maintenant à affronter le désert.
Dernier repas solide, la pression monte, dernière nuit avant le départ... une lanterne volante s’envole dans le désert, je la regarde voler dans le ciel noir au-dessus du bivouac, je fais un vœu... c’est un instant magique et de toute beauté. Cyril est à côté de moi et il me dit de profiter de chaque moment car cela va passer très vite… il a raison tout est passé tellement vite.
Retour à la tente, c’est la distribution des 1ers mails, cela fait 24h que je suis partie et je me rends compte que je suis très heureuse d’avoir des nouvelles de mes proches, c’est un moment privilégié rien que pour soi... Je m’endors en pensant à tous ceux restés en France qui vont me suivre et vivre avec moi cette incroyable aventure. Ils sont formidables.
J1 : 30,3 KM
Réveil 5h, je me réveille avec un énorme rhume, alors que j’ai enchainé des entrainements dans le froid tout cet hiver sans être malade, aujourd’hui je ne peux plus respirer par le nez... c’est un obstacle en plus mais tant pis, je devrais faire avec car mon rhume m’accompagnera toute la semaine.
1er petit déj (début du lyophilisé), Jean-Phi et Thierry vont récupérer nos bouteilles d’eau, nous avons le droit à 1,5l tous les matins, nous remplissons nos bidons ; Les bédouins enlèvent les tentes vers 6h30 et nous attendons assis sur les tapis 8h pour nous rendre sous l’arche de départ. Nous sommes tous tendus...
Au moment où je soulève mon sac pour le mettre sur mon dos, je me dis qu’il est vraiment très lourd mais je le cale bien, et nous voilà partis pour réaliser le chiffre 32 du MDS, l’hélico nous survole, nous levons tous les bras et je vois déjà l’image sur internet...
Nous faisons une photo de notre groupe avec le chiffre 1, et nous ferons tous les jours la même photo en augmentant les chiffres. Nous nous tapons dans les mains, nous souhaitons bon courage et nous nous donnons rdv au prochain bivouac. Ce sera le même rituel avant chaque départ.
Je respire à fond, je suis sur la ligne de départ du 32ème MDS !!! moi qui en ai tellement rêvé, cette fois j’y suis, je regarde autour de moi, le désert à perte de vue, c’est incroyable, j’ai du mal à réaliser, je suis très heureuse et en même temps le stress s’empare de moi.
Fabrice (médecin bénévole sur le MDS et ami) m’apporte le drapeau du club que je brandis sous la banderole du MDS, la photo est faite, immortalisée ... Je suis contente de voir un visage connu, il m’encourage et j’aurai cette chance de le voir tous les jours.
Patrick Bauer debout sur son 4X4 nous décrit l’étape du jour, surtout ne pas se griller le 1er jour, puis nous fêtons les anniversaires des concurrents et enfin la musique : Highway to Hell de ACDC, cultissime. Cette fois c’est partiiiiiiii !!
Tout le monde crie, c’est un grand moment de bonheur, je viens de franchir la ligne de départ, je passe sous l’arche, ça y est le MDS 2017 a commencé.
J’ai étudié mon road-book et je sais à combien sont les CP, donc à chaque départ je compterai mes kilomètres de CP en CP, aujourd’hui 2cp : 13 et 23km.
Je me mets dans ma bulle, je me concentre sur mon allure, il fait déjà chaud, j’alterne marche et course, je me sens bien, plus de stress désormais, je ne dois penser qu’à gérer ma course. Tout se passe pour le mieux, j’arrive au CP1 relativement vite Patrick Bauer est là, tout sourire comme tous les gens de l’organisation. On nous distribue 2 bouteilles d’eau, je remplis mes bidons, et mouille ma casquette et mes manchettes. Je ne traîne pas et repars pour 10km jusqu’au prochain CP. Le soleil commence à taper fort, je fais connaissance avec le sable ultra-léger du désert, je m’enfonce à chaque pas, les appuis se dérobent mais mes jambes vont bien. Beaucoup de dunettes les unes après les autres, je discute avec plusieurs personnes, je ne vois pas le temps passer et le CP 2 arrive assez vite. Je prends une bouteille d’eau, plus que 8km et ma 1ère étape est bouclée. Je pense à prendre mes pastilles de sel et mon ravito régulièrement, je suis super concentrée et heureuse d’être là dans ce cadre incroyablement beau !
Enfin j’aperçois l’arche, 1ère arrivée, grand moment d’émotion, très contente, je vais bien, aucune difficulté rencontrée, si ce n’est la chaleur à laquelle je dois m’habituer, je lève les bras en passant sous l’arche... 1ère étape faite !
Je prends les 3 bouteilles d’eau et file vers la tente et nous attendons les autres compagnons. Tout le monde s’inquiète pour Thierry qui devrait être là. Il arrivera vers 18h après avoir fait un malaise et avoir été mis sous perfusion car il a oublié de prendre ses pastilles de sel, 1ère petite frayeur. Nous nous racontons notre épreuve du jour, tout le monde va bien à part Evelyne qui a de grosses ampoules et qui semble déjà atteinte moralement.
Je regarde le paysage toujours aussi incroyable, nous sommes seuls au monde, perdus au milieu de nulle part, dépourvus de tout confort, de tout moyen de communication. C’est aussi ce qui fait la spécificité du MDS. Tout le superflu a disparu, il nous reste de quoi manger, boire dormir, courir, nous revenons à l’essentiel et la vision de notre vie change totalement ici.
Je pars faire ma toilette en plein milieu du désert, moment déconcertant le 1er jour mais qui par la suite deviendra tout à fait banal, c’est extrêmement sommaire, un gant et un peu de savon liquide feront l’affaire pour toute la semaine. Le plus dur pour nous les filles ce sont les cheveux, pas de shampooing possible et avec le vent et le sable, les miens ressembleront plus à de la paille qu’à autre chose. La coquetterie n’a pas sa place ici.
Nous étudions tous ensemble le road book, comptons les djebels (montagnes rocheuses) à passer demain et à 18h30, nous préparons notre repas puis c’est la distribution des mails que je ne lis pas tout de suite, je les garde pour les lire juste avant de m’endormir, à la lumière de ma frontale et ce sera le même rituel tous les soirs, mon moment de douceur et mon plein d’énergie, comme un dessert. Tous ces messages me vont droit au cœur.
Je lis le mail d’une personne qui avait le même numéro de dossard l’année dernière et elle souhaite qu’il me porte chance et qu’il m’emmène jusqu’à l’arrivée... je suis touchée par cette attention et je me promets d’avoir la même démarche l’année prochaine.
On se couche vers 20h, la nuit est douce, c’est la pleine lune et allongée dans mon sac de couchage je regarde ce ciel rempli d’étoiles, je vis mon rêve !
J2 : 39km
1ère difficulté aujourd’hui avec au 35ème kilomètre l’ascension du Djebel EL OFTAL dont tous ceux qui l’ont fait, redoutent l’ascension.
5 h, la tente commence à se réveiller, la polaire est de mise le matin au réveil, les garçons sont allés chercher du bois pour le feu et nous déjeunons en regardant l’horizon et une fois de plus je m’émerveille devant la beauté du paysage et le lever du soleil... Puis ensuite rangement des sacs de couchage, habillage, remplissage des bidons d’eau, les tentes sont enlevées et nous restons sur les tapis à finir de préparer nos pieds... le soleil commence à chauffer un peu, puis direction la ligne de départ, photo, discours, musique. Et c’est reparti.
Aujourd’hui Je n’ai pas de montre, je garde ma Garmin pour la grande étape et celle que j’avais emmenée, le bracelet a lâché et j’ai dû la perdre hier... incroyable ! Faire le MDS sans montre. Gros coup de stress, comment faire pour prendre mes pastilles de sel toutes les heures ainsi que mon ravito ! Je me calme et trouve une solution : quand je serai à la hauteur de français, je demanderai le temps de course et je ferai en fonction de mon ressenti aussi. (Finalement j’ai réussi à faire 2 étapes sans montre !).
3 CP aujourd’hui, 13, 25 et 35km. Les dunes et passes sablonneuses s’enchainent, je marche et cours et les kilomètres défilent. Je retrouve des compagnons de route d’hier, nous échangeons un peu et restons à distance les uns des autres. Je lève la tête de temps en temps et regarde l’immensité du désert devant moi, les dunes à perte de vue et à chaque fois je me dis que j’ai beaucoup de chance d’être ici au milieu de nulle part, à courir, un anglais entame une chanson douce en plein cœur du désert, moment irréel et unique …c’est une longue file de coureurs qui serpentent devant moi, la chaleur s’est installée (46°), c’est une chaleur très sèche, l’eau de mes bidons est vraiment chaude, j’entends les bip du CP1, je vais pouvoir me rafraîchir. Nous avons le droit à 2 bouteilles, une pour mes bidons et une autre avec laquelle je mouille mes manchettes, ma casquette et le reste sur mes cheveux et je repars aussitôt.
4km de dunes, le sable est tellement fin, j’essaye de ne pas trop m’enfoncer et de mettre mes pas dans ceux des autres... puis un lit d’oued et des dunettes qui s’enchainent et qui cassent et le rythme et les jambes et devant moi apparaît le fameux djebel. J’aperçois au loin la longue file de coureurs qui s’étirent jusqu’en haut, très haut du djebel.
Le CP 2 est juste avant le djebel, juste 1,5l juste de quoi remplir les bidons. L’ascension s’annonce rude. Je décide de monter à mon rythme et de ne pas m’arrêter dans mon ascension. C’est un ensemble de grandes plaques de roches, en escalier qui montent à pic,
Il y a beaucoup de vent, je tiens ma casquette de peur qu’elle ne s’envole car pas question de redescendre au cas où je la perde !! L’ascension est difficile, il fait très chaud, nous sommes les uns derrière les autres, et après 30 minutes de montée le sommet arrive enfin, la vue est magnifique !
Maintenant il faut redescendre, une corde est installée, c’est une descente à 20%, dans le sable, on a vite fait de se laisser emporter. Nous sommes encore à la queue leu leu, puis fin de corde et descente dans le sable jusqu’au genoux.
Le CP3 est en vue... plus que 4km, oued et petites dunettes, et l’arche se dresse devant moi, je lève les bras en franchissant la ligne d’arrivée, très contente de moi. Et de 2 !!! je bois un petit thé chaud à la menthe qui nous est offert à l’arrivée, je n’aime pas le thé mais celui-là est un pur délice...
Retour à la tente, Cyril n’est pas là ce qui est plutôt inquiétant, on parle tous et de la chaleur et du djebel, je rentre avec un petit échauffement sous le pied gauche, dû à beaucoup de sable certainement. Je fais un petit bain d’Eosine, une petite ampoule côté gauche mais rien de méchant. La tente se remplit et toujours pas de Cyril. Il n’arrivera que vers 19h, après avoir eu une perfusion au CP3 après des problèmes gastriques. C’est son 2ème MDS mais il ne se sent pas très bien cette année. Nous le réconfortons tous.
Nous étudions le parcours de demain, 4 ascensions au programme et à nouveau EL OFTAL mais du côté sablonneux à priori plus difficile encore, cela promet.
Toujours le même rituel, préparation du sac pour le lendemain, je suis déjà au J3 ! Thierry nous offre un bout de saucisse sèche et mon dieu quel plaisir de croquer dans quelque chose de dur… 18h30 le repas, et à nouveau la lecture de mes mails que je lis une première fois puis une seconde. Ils sont en décalés, donc je les apprécie d’autant plus que j’ai réussi l’épreuve pour laquelle tout le monde me souhaite bon courage. Lorsque l’on est coupés du monde, les mots ont une signification plus importante que si on les dit en temps normal, les sentiments sont décuplés et on se rend compte de la place importante des personnes auxquelles on tient et auxquelles on pense. Je ressens beaucoup d’amour et d’amitié et c’est un vrai bonheur tous les soirs de savoir qu’ils sont nombreux à me suivre et à espérer ma réussite. Je range précieusement mes mails dans mon sac et m’endors en pensant à l’étape de demain. Physiquement je me sens bien, si ce n’est mon satané rhume, je me sens même de mieux en mieux et je commence à prendre mes marques dans la vie du camp.
J3 : 31,6km.
Petite étape avant la grande, du moins c’est ce que je pense. En fait ce sera la plus difficile pour moi physiquement.
Réveil 5h, j’ai senti mon petit échauffement sous le pied dès que je me suis mise debout, mais décide de ne pas y penser. Je sais que je vais souffrir mais cela fait partie du jeu.
Je regarde, en buvant mon café, comme tous les matins le lever du soleil derrière les dunes, c’est de toute beauté ! je profite de chaque instant et je mesure à nouveau l’aventure que je suis en train de vivre et la chance que j’ai d’être là.
Cyril n’est pas très en forme, Evelyne a beaucoup d’ampoules et pense à abandonner, tout le monde lui remonte le moral. Nous nous dirigeons tous vers le départ, Fabrice est encore là, je suis à nouveau contente de le voir, il me dit de faire attention. Epreuve difficile aujourd’hui !
Photo, discours, musique et c’est parti !!
2 CP, 10 et 19 km, et 3 ascensions au programme, la 1ère est à 7km, tout en sable, montée à 18%, très éprouvante dans le sable, puis arrivée sur les crêtes, les docs sont encore là. En fait les docs sont partout sur le parcours, il y a toujours un 4X4 qui nous fait un pouce levé savoir si tout va bien, des fois un bénévole sorti de nulle part nous check en plein milieu d’un parcours et ce tout petit geste a le don de vous rebooster pour la suite.
La vue à 180° est tout simplement magnifique. Nous longeons pendant un bon moment les crêtes, passage technique caillouteux, très haut, et puis d’un coup j’entends que l’on a raté le balisage et donc je dois descendre maintenant dans une pente abrupte avec des gros cailloux qui roulent et pour le coup la descente s’avère très difficile... le balisage sur le MDS consiste en de la peinture biodégradable sur les cailloux ou touffes de buisson. J’avoue ne pas trop regarder car je suis la file de coureurs devant moi...
Fausse route pour le coup !! J’arrive enfin en bas et peux reprendre mon rythme. Mon échauffement me fait de plus en plus mal, j’essaye de soulager mon pied gauche, en changeant un peu mes appuis. Le CP 1 arrive et je décide de ne pas m’arrêter me faire soigner, j’attends encore. Je regretterai cette décision à la 2ème ascension, mon pied me brule cette fois, un nouveau djebel (15%) se dresse devant moi, sable et cailloux, passages techniques, tout y est. Il commence à faire très chaud. Nous sommes les uns derrière les autres. Pendant la montée je prends la décision de me faire soigner au prochain CP. Le CP2 me semble loin, je souffre de mon pied et ces 9km me paraitront très très longs. Derrière une dune enfin le CP 2, je décide d’aller dans une tente médicale. Un podologue me prend en charge. Ampoule et échauffement seront soignés et quand je repars, je ne sens plus rien. Quel soulagement, je suis super contente de ne plus avoir mal, mon moral est au beau fixe et il le faut avant l’ascension de EL OFTAL (25% pente moyenne). D’abord du sable, j’ai l’impression de ne pas avancer, la montée est raide, le soleil cogne fort (51° seront annoncés le soir), je monte très doucement puis ensuite ce sont des rochers hauts, je dois m’agripper avec les 2 mains pour franchir certains, nous sommes à nouveau en file indienne et je me dis que si l’un tombe tout le monde tombe...
La montée est très difficile, une corde est installée pour que l’on se hisse au sommet, et me voilà enfin arrivée... la vue est magnifique et on aperçoit au très loin l’arche de l’arrivée... je reprends mon souffle et mes jambes avant d’attaquer la descente. Je repars, Je gère mon eau car nous n’avons eu qu’une bouteille pour les 12 derniers kilomètres ; 3km de dunettes, 3km d’un oued asséché, et 6km de terrain caillouteux. L’arche n’est plus visible, l’eau de mes bidons est très chaude, mais je dois boire... je vois enfin en haut d’une dunette l’arche, ça y est j’y suis, je lève encore les bras, heureuse d’avoir fini cette étape.
Grosse étape, difficile pour moi qui n’ai pas trop de puissance, mais je suis contente de ma gestion de course et je sais que j’ai gardé du jus pour la grande étape... Et de 3 !
Retour à la tente, l’accueil est chaleureux, on se raconte notre étape, Marie a adoré les ascensions ! Cyril et Joël arriveront plus tard, ils ont fait l’étape ensemble. Ce soir tout le monde parle de la grande étape, celle redoutée par tous, celle qu’il faut franchir pour espérer la médaille vendredi.
Je me dis que cela va être un grand moment, 86km !! C’est un beau défi et j’aime les difficultés... mais c’est la nuit que j’appréhende ; je ne dois pas me perdre, sachant que jusqu’à maintenant j’ai tout fait toute seule.
Le repas est le bienvenu, Thierry, histoire de se détendre, entame un quizz musical des années 80, tout le monde joue, la bonne humeur règne, nous chantons tous, et nous rions beaucoup, quelle chance j’ai eu de faire partie de cette tente !! Après 3 jours les liens entre nous sont très forts, c’est la magie du désert, Nous vivons dans un espace tellement restreint, les liens se créent très vite devant l’adversité, nous prenons soins les uns des autres et nous sommes heureux de nous retrouver.
Repas et mails, je lis et relis mes mails du jour, je mesure une fois de plus l’engouement suscité par le MDS, ils sont tous avec moi, ma fille fait des relais sur FB, tout le monde me suit tous les jours sur internet, famille, amis, coureurs et non coureurs, ils m’apportent tant d’énergie, que du positif, je ressens beaucoup d’émotion une fois de plus, c’est un moment exquis et je me rends compte à quel point ils sont fiers de moi.
Je m’endors en pensant à eux.
J4 : 86,2km
C’est l’étape clé du MDS !
Depuis que je connais la distance je me dis que c’est comme si je partais faire le raid du golfe (87km),
Départ 7H exceptionnellement, et les 50 premiers partiront 3h après nous. J’ai déjà hâte de les voir passer !!
Ce matin sous la tente, l’ambiance est un peu plus tendue, nous sommes tous très concentrés, nous savons que cela va être dur, après 3 jours de lyophilisés, nous avons entamé nos réserves déjà et les organismes sont forcément un peu plus faibles… je suis super positive, je suis contente de me confronter à cette grande épreuve, c’est la plus difficile mais quel challenge !! Je compte comme d’habitude de CP en CP il y en a 7 : 14, 24, 35, 48, 56, 65 et 76, pourvu que mes pieds tiennent…
Nous prenons place sur la ligne de départ, pas de Fabrice, mais je le verrai plus tard... Nous nous souhaitons tous bonne chance, plus intensément que d’habitude, les visages sont sérieux, et nous nous donnons rdv demain au bivouac.
Bauer nous fait un gros discours, c’est la plus dure épreuve, pas le droit à l’erreur. Il y a beaucoup de vent et l’arche du départ est dégonflée... Le départ est donné et nous touchons tous l’arche comme signe porte-bonheur.
J’ai ma montre au poignet et cela me rassure, je regarde l’allure, je cours un peu au début car le terrain est plat et caillouteux. Je discute avec un couple, toujours le même, tout le monde est dans l’économie et la gestion. Les kilomètres défilent, physiquement je me sens bien, mes jambes vont bien, je respire encore par la bouche mais le reste est ok. Après un passage sablonneux et un 1er djebel avec une descente technique un peu difficile, le CP1 est en vue. Le temps de remplir mes bidons et de me rafraichir avec la 2ème bouteille, et je repars. Depuis le début du MDS je ne m’arrête que pour remplir mon eau à chaque CP, je ne perds pas de temps, c’est une tactique qui me convient ici et ailleurs aussi...
Montée sablonneuse, un 2ème djebel (pente à13%) et terrain caillouteux, je marche devant les difficultés, j’essaye de ne pas trop ralentir et dès que l’ascension est terminée je reprends mon allure.
Je pense à cette longue étape et j’entends les mots de Yannick, qui a été là depuis le tout début avec Marie-Thé, soutiens de toujours et aide précieuse dans la prépa de ce MDS, je repense à pourquoi je suis ici, à tout ce qui m’a conduit à relever ce défi incroyable ,à mes limites que j’ai voulu tester, repousser et dépasser, savoir ce que je valais vraiment non pas vis à vis des autres mais vis à vis de moi –même, dans un cadre hostile, loin de mon confort et de mes proches qui suis-je vraiment, je voulais mettre à mal mon mental et défier ma volonté, bref pour moi aujourd’hui c’est le jour de vérité.
Un coureur m’interpelle sur le pavillon du club, il voudrait faire le 177km et nous échangeons pendant un long moment sur nos expériences. Je le quitte et vois le CP 2 arriver relativement vite. Toujours le même scénario, je ne m’arrête pas. Les 12 kilomètres entre le CP2 et le CP 3 seront les plus longs, il fait extrêmement chaud et mes pas dans le sable sont ralentis. Je vois passer les premiers (hommes et femmes), en fait ils courent doucement mais ils courent tout le temps, je me fais la réflexion que ce sont des extra-terrestres !!
Certains coureurs s’arrêtent sous un semblant d’arbuste pour trouver un petit peu d’ombre…j’avance, pas question de m’arrêter, je garde mon rythme. La chaleur est intense, (50°), je ne veux penser qu’à des choses positives, je fais un effort pour rester concentrée et ne pas laisser mon esprit divaguer vers des choses négatives, mais j’avoue que j’éprouve pour la 1ère fois un peu de difficultés. le CP3 arrive enfin, je fais le plein d’eau, on me dit que Thierry ne va pas très bien, il est devant moi avec Cyril. Le parcours jusqu’au CP4 est essentiellement caillouteux et toujours cette chaleur, je me rappelle avoir espéré qu’un nuage cache le soleil, juste un peu d’ombre, sentir un peu d’air frais, mais mon souhait restera vain. Il fait extrêmement chaud.
Pour la 1ère fois de l’aventure je voudrais quelqu’un à mes côtés pour discuter un peu, je trouve le temps un peu long et je cherche une pensée positive à ce moment précis et je repense au dessin de la reine des Sables. J’avais été très touchée par ce dessin et ce message sur La Ligne Bleue, quelle surprise et quelle émotion. Je ne sais pas si j’ai mérité tout cela mais en tout cas ceux qui l’ont fait méritent que je leur ramène la médaille de finisher car ils m’auront portée par leur confiance en moi et la force qu’ils me donnent, leur gentillesse et leurs encouragements.
J’ai beaucoup de chance d’avoir des amis si précieux à mes côtés... je le savais déjà, mais ils ne se sont certainement pas rendus compte de l’importance de tous leurs gestes et de leurs mots qui revêtent une importance que l’on ne soupçonne pas mais qui vont droit au cœur et qui vous donnent des ailes... je ne peux pas échouer, pas après tout ce que j’ai reçu et tout ce que l’on m’a donné... et je me surprends à sourire toute seule, je me prends pour la déesse des sables sur son traîneau et voilà un petit regain d’énergie qui me fait du bien.
Le CP4 est en vue et je dois m’arrêter un moment pour manger. Je m’installe tranquillement, il y a beaucoup de monde, c’est le dernier CP avant la tombée de la nuit. Je prépare mon repas, mais ma purée est trop épaisse et pas très chaude, après 3 cuillers je la jette et prends juste une crème vanille.
C’est à ce moment-là que j’aperçois Cyril et Thierry qui sont assis un peu plus loin. Je les rejoins, Thierry a des problèmes gastriques et Cyril est resté avec lui. Ils m’accueillent avec plaisir et nous serons donc 3 à finir la longue étape et j’avoue que je suis vraiment très très heureuse d’avoir des compagnons pour les derniers 40km, ce sera la 2ème chance de mon MDS.
Nous quittons le CP4 avec nos bâtons lumineux accrochés à nos sacs et c’est un long serpentin lumineux qui arpente les dunes, le tableau est superbe. La conversation est animée entre nous 3 et les kilomètres défilent assez rapidement même si Cyril commence à souffrir de ses pieds. Les garçons me disent qu’ils vont faire une pause d’1h30 au CP5, pour moi qui ne m’arrête pas, cela me semble très très long, mais j’ai choisi de les accompagner et je les attendrai. Le CP 5 arrive, un thé nous est offert et c’est un délice...il y a un grand feu de camp, des transats sont installés tout autour, on se croirait dans un camp de vacances, cela paraît irréel. Pendant que les garçons mangent et se reposent, je vais faire soigner mon pied gauche, et je retrouve Fabrice. J’ai plaisir à le voir et nous discutons un bon moment.
Je convaincs Cyril de se faire soigner les pieds avant de repartir. Temps de pause : 1h45 !!!
Nous repartons d’un bon pas, prochain CP à 9 kilomètres mais 7km de dunes nous attendent... La nuit est douce, c’est la pleine lune, le ciel est magnifique, les bâtons lumineux servent de balisage, je me rends compte de la magie des lieux et une nouvelle fois je me dis que je vis une aventure incroyable...
Les dunes nous obligent à ralentir, Cyril boite un peu, mais nous discutons encore et nous atteignons le CP 6.
Repos ¼ d’heure les garçons s’allongent un peu, à part le fait que je ne mange plus rien, physiquement je me sens bien. Il nous reste 21km et 1 CP, c’est peu mais je sais que cela risque d’être long par rapport aux blessures de Cyril.
Nous repartons, cette fois les 11 prochains kilomètres sont essentiellement des terrains caillouteux, dur pour les pieds... je reste à la hauteur de Cyril qui souffre en silence, il s’arrête de plus en plus souvent, ses pieds sont en train de le lâcher. Il nous dit de partir devant, mais pas question de le laisser tout seul ; il s’arrête encore et cette fois il veut déclencher sa balise. Thierry et moi sommes à ses côtés, nous lui parlons, le réconfortons, lui rappelons les raisons de sa présence ici, et je lui propose même de m’arrêter avec lui au CP7 quitte à repartir dans la journée, il nous faut l’emmener jusqu’au CP7 absolument. La fermeté de Thierry associée à la douceur de mes paroles (c’est lui qui nous le dira plus tard) lui donnent la force de se relever. Nous repartons.
Il me semble que le CP 7 n’arrivera jamais, nous guettons la moindre lumière afin de l’apercevoir.
Le chemin est calme et long, très long, nous avançons très doucement je pense que nous sommes à 3km /h, Cyril a de plus en plus de mal, il s’arrête encore et encore... à chaque arrêt j’ai peur qu’il abandonne... Nous ne parlons plus et enfin le CP7 est en vue. Nous nous arrêtons et je ressens le froid pour la 1ère fois. Je mets mon corsaire et ma polaire. Nous proposons à Cyril de porter son sac histoire de l’alléger et nous faisons tout pour le convaincre de finir ensemble même très lentement. Pour la petite histoire Thierry mesure 1,90 et je me dis que porter le sac à 2 risque d’être très compliqué mais à ce moment-là nous aurions fait n’importe quoi pour l’aider. Il refusera bien sûr que l’on porte son sac et décide de repartir pour notre plus grand bonheur. Plus que 10km, cela est peu, mais je me dis qu’il y en a encore pour 3 h et je pense déjà qu’en France en se levant mes enfants et mes amis vont s’inquiéter que je ne sois pas encore arrivée... je leur expliquerai plus tard cette nuit de folie. 2 compagnons de route se joignent à nous dont un qui a une déchirure au mollet et qui marche doucement et cela a pour effet de rebooster Cyril, il n’est plus le seul blessé et psychologiquement cela lui fait du bien.
Nous voilà 5 pour terminer cette grande épreuve, nous discutons avec nos nouveaux compagnons, il y a des cailloux à perte de vue, les kilomètres s’enchainent malgré la fatigue, Cyril boite mais avance, je commence à avoir très froid, la fatigue sans doute... Nous assistons au lever du soleil, magnifique, une dernière petite dune et enfin l’arche est en vue... Il nous reste 3km et je ne sais pas pourquoi mais je pleure en silence en repensant à cette grande étape, à toute cette nuit, à toutes ces émotions, à toute cette souffrance et je sais à ce moment-là que nous avons réussi, nous allons franchir cette arche tous les 3 !!!
Je suis consciente d’avoir vécu quelque chose de grand humainement, un moment de partage, de solidarité, et d’entraide, comme on en connaît peu. C’est aussi cette aventure humaine qui fait le MDS et que je voulais tant vivre, ce sont des moments marqués à jamais dans ma mémoire.
La ligne est à 50mètres, je n’y crois toujours pas, on y est arrivés, je me mets au milieu des garçons et nous franchissons la ligne d’arrivée les bras levés, c’est une immense victoire et nous savons tous les 3 que nous n’oublierons jamais cette nuit.
Notre photo sera reprise par l’Instagram officiel du MDS et aujourd’hui quand je la regarde, elle évoque tant de courage, d’abnégation et de solidarité...l’émotion est toujours présente.
Je file devant la web cam faire un signe pour dire à tous ceux qui attendent avec impatience mon arrivée, que tout va bien. Nous tombons dans les bras les uns des autres, nous pleurons ensemble.
Nous filons retrouver notre tente, heureux de nous retrouver, On se raconte notre grande étape sachant que nous avons réussi le plus dur et qu’il ne nous reste plus que le marathon demain !
Mais commence alors la pire journée pour moi. Je n’arrive pas à dormir, il fait très chaud, je n’ai ni faim ni soif, mon pied gauche me fait souffrir ! je dois dormir je sais que c’est la seule façon de récupérer... mais je ne trouve pas le sommeil, j’ai dépensé toute mon énergie et je me sens vide…
Le courrier nous est distribué, c’est celui du mardi soir avant la grande étape, et toujours ce bonheur de lire ces mots réconfortants emplis d’amour, de force, d’encouragements, de bienveillance, de confiance, que des bons sentiments... je ne peux m’empêcher de pleurer en les lisant. ; je dois absolument me reposer, je sens pour la 1ère fois depuis le début que mon corps est fatigué et que mes émotions ont pris le dessus.
Finalement je trouverai le sommeil en début d’après-midi. Je dors à peine 2 heures et en me réveillant je me rends compte que la grande étape a marqué les visages. J’ai l’impression d’avoir les yeux au milieu du visage, et pour la 1ère fois je me dis que 42km c’est énorme…
Heureusement une surprise nous attend, un coca nous est offert ! la 1èreboisson fraiche depuis 5 jours, des bulles et du sucre, je pense que je n’ai jamais autant apprécié une boisson. Cela fait un bien fou physiquement et moralement, nous trinquons tous ensemble.
Puis je décide d’aller à la tente médicale refaire mes pansements avant la dernière étape. Je retrouve Fabrice avec qui je parle un long moment, il me raconte sa nuit sur le CP5, les abandons... il m’annonce un hématome sous une ampoule... Espérons qu’il se soit un peu résorbé demain sinon les 42km risquent d’être un peu longs. Je me sens mieux en rentrant à la tente, j’ai repris un peu de force, mon esprit est à nouveau en mode compétition, et je sais que peu importe la douleur, il me reste une étape et la médaille est au bout, je serai finisher demain, il ne peut en être autrement. Je suis dans cet état d’esprit la veille de la dernière étape.
Le repas sera très court, je n’arrive plus à manger, j’avale un peu de riz au lait, je prépare mon sac et voilà j’arrive à J5…tout est passé si vite... Demain c’est la fin, je n’arrive pas à réaliser, mais comme j’ai le pied gauche un peu en bouillie, je me dis que plus vite ce sera fini et mieux ce sera.
Les mails arrivent, en effet tout le monde s’est fait un peu de souci pour ma grande étape, mais quel bonheur de lire encore tous ces mots, je sais que je me répète mais ils sont tellement importants dans ces moments-là…tellement réconfortants, à jamais gravés dans mon cœur.
L’ambiance dans la tente est très calme, la fatigue est là et nous la ressentons tous. La nuit doit être récupératrice. Je m’endors inquiète de l’état de mon pied. Je vais me réveiller plusieurs fois et essayer de voir si mon pied me fait toujours mal... je ne le saurai qu’en mettant ma chaussure demain.
J5 : 42,2 KM, dernière étape !
Réveil 5h, c’est la dernière étape, je me réveille en pensant que ce soir j’aurai la médaille autour du cou, aucune autre possibilité dans mon esprit. Je me lève, appuie sur mon pied, ça a l’air d’aller, mais je n’ai pas enfilé mes chaussures. Je ne prends que 2 gâteaux et un café, le sportdej ne passe plus...
Nous sommes à nouveau bavards sous la tente, dernier jour, tout le monde parle de la médaille, même Cyril qui boite bas, nous avons tous les pieds abimés...
J’enfile tout doucement mes chaussures, je me mets debout et là, miracle du désert, je ne sens pas mes blessures côté gauche, je trottine, et rien aucune douleur, je suis heureuse et encore plus que cela car je sais maintenant que tout va bien se passer...
Nous voilà prêts, départ 7h15 et les 100 premiers partiront une heure après.
Dernier briefing de Bauer, et là je me rends compte que c’est vraiment la fin, mais je ne pense qu’à une chose, la médaille.
L’étape est relativement roulante, juste les dunes de Merzouga, 3 CP, 10,5, 22 et 34, et c’est parti !!!
Cette dernière étape sera ma meilleure allure, je cours beaucoup plus que les jours précédents, le vent est fort mais il est dans notre dos, mes jambes répondent bien, j’ai l’impression de ne plus rien avoir sur le dos, mon sac ne pèse plus que 5 kilos je pense, comparé au 10,5 du début, c’est une plume... les kilomètres défilent, plus besoin de s’économiser, je me sens super bien et je cours. Je regarde encore les paysages pour m’imprégner une dernière fois de ce désert, de nombreux coureurs me félicitent, avantage d’être une femme mais je leur renvoie leurs félicitations., nous avons tous le pouce levé, c’est super, quelle ambiance sur cette dernière étape, les bénévoles nous félicitent aussi…nous allons tous être finishers et nous savons tous que nous avons réalisé une aventure de folie, vaincu la chaleur, surmonter la souffrance, nous allons juste finir le MDS.
Cp 1 et 2 s ‘enchainent facilement, les dunes me ralentissent un peu mais je repars de plus belle pour arriver au CP 3 et Fabrice est là, quelle joie de le voir avant les derniers kilomètres, il sort le drapeau du club et immortalise l’instant... dans 8 km je serai finisher du MDS, je savoure les derniers kilomètres et je laisse libre cours à mes pensées, au chemin parcouru pour être aujourd’hui aux portes de mon rêve, aux personnes qui chacune à leur manière m’ont permis d’être là, à ma volonté absolue depuis des années de vivre cette aventure, et soudain l’arche d’arrivée est visible, il me reste 4 kilomètres.. Je ne peux détacher mon regard de l’arche, je ne peux retenir mes larmes, je regarde le ciel et pense à Gwénola trop tôt partie …elle m’a accompagnée pendant toute la semaine, elle aurait été tellement heureuse et fière de me voir franchir la ligne d’arrivée.
Dans 100 mètres je vais franchir la ligne d’arrivée du MDS, j’ai encore du mal à y croire…
J’’entends Vive la Bretagne, les bénévoles applaudissent, Jean Phi est là il me tape dans les mains, je cours je suis tellement heureuse, cela paraît irréel, je suis tout sourire, je lève les bras en l’air, les poings serrés, YES !!!!!!!!, Patrick Bauer est là, debout sur la ligne d’arrivée que je franchis !!… Ça y est, il a la médaille dans les mains, me la passe autour du cou, il me serre dans ses bras et le lui dis « j’ai rêvé de ce moment des milliers de fois », il m’embrasse et me félicite, je ne trouverai pas de mot assez fort pour décrire l’état de bonheur dans lequel je suis à cet instant précis... Ma joie est intérieure, j’ai du mal à me dire que voilà je viens de terminer le MDS, je l’ai fait, c’est absolument incroyable et je voudrais crier ma joie mais rien ne sort, c’est tellement intense, cela parait irréel et tout reste en moi.
Je file vers la webcam, les poings levés, je montre ma médaille, je voudrais tant parler à tous ceux derrière la caméra et leur dire à quel point je suis heureuse d’avoir réussi cette folle aventure, et qu’ils y sont tous pour quelque chose, j’imagine leur joie et je voudrais voir leurs visages souriants, mais le MDS ne le permet pas, je suis seule avec ma médaille !
Et à ce moment précis je suis super fière de moi, de mon parcours, de ne rien avoir lâché, d’avoir cru que je pourrais un jour être finisher sur le MDS, et maintenant je me rends compte qu’il faut avoir un grain de folie sans doute pour venir ici, vivre en dehors du temps pendant une semaine, dans des conditions plus que spartiates, courir sous une chaleur étouffante, souffrir, et repartir chaque jour affronter le désert, mais le bonheur que l’on éprouve en franchissant cette ligne, est indescriptible, je ne saurai le faire partager car il est unique et il est à vivre !
La suite : Murielle Déesse des Sables (suite et fin)