Je le fais ou je ne le fais pas ?
Courir un Marathon est le graal de tout runner.
Pour moi cela me semble inaccessible.
Mes débuts.
Je commence le running en 2016 avec une copine de travail, alors que le sport est loin de mes préoccupations. Mon premier objectif, après quelques mois les runnings aux pieds à raison d'une séance par semaine, est d'aller au bout d'un dix kilomètre en moins d'une heure. Mission accomplie.
Grâce à une amie, je m'inscris à l'ASPTT de Vannes en novembre 2017, je progresse doucement mais sûrement. Un an après, premier semi-marathon, le difficile Auray-Vannes. La canicule, les jambes lourdes, les pieds en feu font que je n'en garde pas un très bon souvenir. Heureusement que ma famille et mes amis sont là pour m'encourager et me donner la force d'aller au bout. Je le finis dans la douleur. Ce n'est pas pour autant que je n'en referai pas ! Les coureurs aiment bien souffrir !
Un marathon ? Même pas cap !
En novembre 2018, les "copains" de l'ASPTT lancent un nouveau défi pour 2019 : le Marathon de Paris. Pour moi c'est clair, je ne le ferai pas. Je ne me sens pas prête à courir une telle distance. Malgré tout, je suis présente à presque tous les entraînements parce que beaucoup de personnes de mon groupe y sont inscrits. Je me sens bien avec eux et je m'étonne de pouvoir suivre le rythme. L'idée commence à faire son chemin dans ma tête et une question me taraude : "Pourquoi ne pas participer à cette grande fête ?" ; d'autant plus que participant avec mon entreprise (Overstims) au salon du running, je peux obtenir un dossard, presque, au dernier moment. Donc rien ne presse.
(Cherchez bien sur la photo et vous allez trouver le plus grand des Marathoniens Français.)
Si l'idée fait son chemin dans les méandres de mon cerveau, les pieds qui me brulent pendant les entraînements et le syndrome de Morton* qui me fait souffrir, sont des éléments à prendre en compte dans ma décision. Le Semi-Marathon, Locronan/Quimper pendant la préparation se déroule correctement avec un chrono en-dessous des 2 heures. Attendre encore pour un éventuel dossard. Attendre la sortie longue de trois heures pour m'inscrire, pour tester un peu plus loin, un peu plus longuement la douleur.
Ce jour-là dès les premiers kilomètres, elles sont bien présentes. Je finis en serrant les dents et me débarrasse de mes runnings sur la pelouse du stade de Kercado. Les larmes coulent. Le Marathon me parait inatteignable.
Quelques jours passent. Je décide de consulter un docteur et une podologue avant de prendre LA décision. Ils confirment le problème de circulation sanguine et le syndrome de Morton. Ils me conseillent une paire de semelles et un rdv chez un phlébologue. Le Marathon est dans deux semaines. Trop tard ! La déception est forte.
La podologue voyant ma déception propose de me strapper les pieds pour éviter les zones de frottements et soulager le canal métatarsien. Je teste sur deux entraînements. Il y a du mieux mais c'est loin d'être parfait.
Etre présente au "village Marathon" en tant que partenaire, avoir participé à la plupart des entraînements avec mon groupe, avoir la chance de disposer d'un dossard presque au dernier moment, j'ai peur que les regrets soient plus importants que les douleurs possibles. Le défi contre moi-même, voir si je suis capable d'aller au bout est plus fort que tout. Je m'inscris le lundi, le Marathon de Paris a lieu le dimanche, il doit y avoir mieux comme préparation mentale.
Paris me voilà !
Après mes obligations professionnelles à la porte de Versailles, je retrouve les amis de l’Asptt venus en force pour ce grand rendez-vous sportif ! La pression monte, la nuit se passe bien. L'euphorie et le stress sont mes compagnons de ce début de matinée. J’ai tellement peur de ne pas supporter la douleur et d’abandonner.
Nous quittons l’hôtel. Les bretons donnent de la voix dans le métro. Ça chante, ça rigole. Nous avons de sacrés dégaines avec nos sacs poubelle et nos ponchos, la tenue obligatoire quand il fait trois petits degrés.
9h40 les champs Elysées. L’ambiance est énorme, les gens sont heureux, les enceintes envoient de la musique à pleine balle. Nous y sommes ! Nous allons courir le Marathon de Paris ! Je me positionne avec Fazette et Dédée dans le SAS des 4h30 et plus. Le départ est donné, après vingt-cinq minutes de retard. Le public est présent, les musiciens, les enfants nous apportent le plein d’énergie positive. Paris est en fête.
C'est parti !
5ème km. Je sens mes pieds qui commencent déjà à chauffer. Le stress monte un peu plus. Dédée me conseille quelques respirations ventrales. Heureusement que les filles sont là. Au 7ème km les supporteurs de l’ASPTT nous boostent avec leur énergie, leurs cris et leurs encouragements. J’ai vraiment mal aux pieds, je ne dis rien pour ne pas gâcher la fête.
10 km. Se déconnecter de cette douleur, penser à ma petite famille, à mes amis qui me suivent sur l’application. J’imagine leur sourire. Je continue avec Fazette et Dédée. Nous discutons, on s’encourage. 15ème km. Premier gel. Dédée est en pleine forme, elle accélère à l'approche du semi et part à son rythme. Je reste avec Fazette, cela commence à être dur, mais on s'accroche en gardant une allure de 9km/h. Je remue régulièrement les orteils pour que le sang circule mieux pour soulager l'avant pied. Les encouragements me rendent euphorique et font oublier la douleur ….. Un peu. Je me retourne régulièrement, Fazette est toujours là.
Dans le premier tunnel, l'odeur et la chaleur me donne un sentiment bizarre, un sentiment de malaise, à la sortie du tunnel je ne vois plus Fazette. Je dois continuer sans elle. C'est dur. J'ai mal partout. Je sens que les strappings se sont décollés.
30ème km. J'avance, en pensant à ma famille : "Tu peux y arriver ! Tu vas y arriver !". La tour Eiffel. Magique. J'avance kilomètre après kilomètre en slalomant entre les coureurs transformés en marcheurs ce qui me demande un gros effort supplémentaire. L'énergie me manque. Avaler un gel devient compliqué. Je m'arrête à un ravitaillement pour boire de l'eau (et oui plus de boisson sur moi, j’ai pris le départ avec un camelbak percé, tout a coulé dans mon dos !). Repartir est compliqué, une douleur atroce au genou gauche est bien présente. Je m'accroche. Bizarrement la douleur disparait au bout de quelques minutes. Les derniers kilomètres vont être un long métrage avec cette impression de faire du sur place. J'entends : "I will survive", cela me donne une dose d'optimisme, je chante et continue mon chemin.
Je verse quelques larmes dans le bois de Boulogne. Je vais y arriver. J'accélère, je franchis la ligne d'arrivée avec un sourire immense. Je suis Marathonienne. C'est incroyable, je l'ai fait. Je m'effondre, de douleurs, de fatigue. Les larmes de joies coulent sur mes joues. J'appelle mon chéri, je pleure encore, je ne contrôle plus rien. Je m'assois, seule, pour passer quelques vêtements chauds et pour retrouver mes esprits avant de rejoindre la bande de l'Asptt. Quel bonheur de les voir ! Jean-Claude voit mon émotion, il me prend dans ses bras et je pleure ….. Encore.
Fazette, enfin ! Une de mes plus belles rencontres depuis le début de cette aventure. Je la serre dans mes bras, tellement heureuse de la voir la médaille autour du cou. Un coup de téléphone à mes parents qui m'ont suivi tout le long. Je sens de la fierté dans la voix de ma maman. Mes yeux sont embués ….. Encore.
4h 51' de hargne, de doutes, de fierté en surmontant mes peurs, mes douleurs. J'ai appris à me surpasser, je ressors de cette aventure grandie et plein de confiance. Je vais garder longtemps le souvenir d'une merveilleuse aventure humaine avec mon club de l'Asptt. La soirée des finishers a été chaude. Les mojitos et les shooter étaient excellents.
Est-ce que je referai un marathon ? Peut-être ... (Désolée maman !)
Fabou
* Le syndrome de Morton est une compression d'un nerf du pied très douloureuse. (Doctissimo).